L’île rouge. Carnet de voyage à Madagascar (extrait), 2004 - Photos Amélie Louis
Déserter Nosy Be et ses bars naufragés où les touristes dévoyés achètent des corps adolescents, appareiller une barque bleue à moteur d’une réserve d’eau douce, lever l’ancre au petit matin et caboter sur des fonds de sable blanc que la lumière incandescente révèle en turquoises aquatiques, frôler une escorte de dauphins facétieux, contempler la nage élégante d’une tortue géante.
Désapprendre les deux mille kilomètres de poussière rouge des pistes du sud, les incroyables tombeaux aux forêts de sculptures naïves, l’extrême pauvreté des cases, la transhumance des zébus, les rires clairs des enfants, et aussi la faim, le manque d’eau, les chercheurs de saphirs, le far west de l’Isalo.
Mouiller enfin à Ampasy-pohy, planter un bivouac aux portes du village, et assise sur la plage, regarder le soleil incendier les pirogues, embraser la forêt primaire, le sentir hésiter, s’alanguir, défaillir, se noyer, observer le ballet d’ombres des crabes dans ses dernières lueurs.
Et entendre en écho dans ma mémoire, les paroles d’un Vazaha atterri là depuis cinq ans.
Ici, seul le bois travaille
Seule la forêt est vierge
Seul le citron est pressé
Seul le miroir réfléchit.