Extrait
Nue.
Je suis cette créature qui marche nue sous les regards aigus des inquisiteurs du roi.
Je suis cette chair dépouillée jusqu’aux tréfonds de son ventre et dont les pieds transis effleurent le sol obscur au bord du précipice.
Je suis cette fille qui se meut au-delà de sa répugnance, fascinée par le vide...
Le vide.
Celui de mon cerveau face aux cerveaux dénaturés de mes tourmenteurs. Pour eux, c’est le temps de la cruauté, pour moi, c’est le temps du défi. Rester vivante sous leurs yeux qui me sondent et me soupèsent comme un objet.
Marcher.
Tout Rennes retient son souffle pendant que j’avance éparpillée, démembrée, deux mamelles douloureuses d’être durcies par le froid, peau hérissée et couverte de sueur.
Mes tripes, réceptacle de mes faiblesses, sont empoignées par une tenaille qui les secoue de convulsions obscènes. Je contracte mon ventre.
Une nausée.
Résister... Résister...
Mon cœur tremble dans mon cou et dans mes tempes. Soudain, il s’arrête et gémit. Je réprime un frisson. Plus rien ne palpite. Non, attend ! Puis un battement violent. Mon cœur goutte à goutte trois larmes fiévreuses. Bouche sèche, langue râpeuse, dents serrées jusqu’à la douleur, mon souffle implore un chemin.
Je réprime la toux qui me gratte la gorge.
Respirer... Respirer... Respirer.
Ma peau est pâle et froide, ma nuque est raide, comme étreinte par le gel. Mes épaules sont traversées de courants mauvais. Les muscles de mes bras semblent entaillés aux cilices. Mes jambes sont de plomb. Tout saigne à l’intérieur. Bientôt, il n’y aura plus de dedans et de dehors.
Une envie impérieuse d’uriner me brûle.
Retenir...
|